Quand on désigne un lieu en déshérence, cela signifie que personne
n’en prend soin.
Il semblerait que l’éloignement entre les compréhensions idéales et
cognitives du devenir humain soit de plus en plus ambigu... L’atome
hédoniste et narcissique voit se dresser devant lui le système
monde. Dans un dialogue artistique, Nasreddine Bennacer, artiste
franco- algérien et Roxane Daumas, plasticienne française,
interrogent ce face-à-face. Sous des métaphores spatiales de la
distance et de la déshérence, c’est tout à la fois la force et la
précarité de notre imagination configuratrice d’un monde habitable
et partageable, qui se voit repensé par les artistes dans sa foncière
indétermination.
Dans l’œuvre de Nasreddine Bennacer surgit le vertige pur de
l’essence de l’être et de son abandon, l’artiste déploit sous nos
yeux une conversation entre mythologies et réalités.
Au fil des œuvres, le visiteur se souvient de notre étrange capacité
à l’autodestruction.
La tour de Babel couchée, nous rappelle la division née de l’orgueil
humain, les antennes paraboliques, celle d’une société déliée et
globalisante, les hommes sont devenus des lucioles, s’arrachant à
leur terre, en quête d’une vie meilleure.
L’artiste nous rappelle aussi notre lumineuse capacité de
résistance et de résilience.
Humilité et beauté sont peut-être les maîtres-mots d’un héritage
universel. Nasreddine Bennacer recrée ainsi la cité de Petra,
joyaux des rencontres entre traditions orientales
et architectures hellénistiques, il reconfigure les jardins suspendus
de Babylone dans la présence de leur végétation luxuriante.
Pour nous, il écrit sans relâche les mots Hob, Hanan et Salam
(Amour, Tendresse et Paix) sur les pages d’un livre, dans l’espoir
de perpétuer notre histoire. Solitaire, dans son atelier, pas de
pinceau ou de tubes de couleurs, mais des dizaines
de papier japonais, de la gouache, des pastels noirs. Le geste est
instinctif et fulgurant, il a beaucoup à dire de notre nature humaine,
masquée dans des nuages de grandiosité, en résonnance au
format des œuvres réalisées.
Au-delà du vrai et du faux, du bien et du mal, Roxane Daumas
révèle la profonde déstabilisation de nos représentations. La
conception que tout individu a du monde est
et reste toujours une construction de son esprit. Ce binôme réalité/
vérité devient avec l’intelligence artificielle (IA) susceptible d’infinie
plasticité travestie, l’homme devient aussi sujet et objet de son
propre développement.